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LE VOLEUR

— Écoute, me dit Geneviève, une demi-heure après — elle se nomme Geneviève ; j’ai appris ça en me rafraîchissant — écoute, tu devrais me donner encore dix mille francs. J’ai peur de ne pas avoir assez… Bon ; merci. Ton adresse, aussi ; je veux te revoir, tu sais.

Je lui donne une adresse — une fausse adresse : Durand, Oxford Street, Londres.

— Durand ? demande-t-elle en souriant.

— Oui, dis-je avec le plus grand sérieux. Durand. Ça t’étonne ?

— Oh ! non, dit-elle ; seulement, c’était mon nom de demoiselle… Embrasse-moi et va-t-en. Je sortirai dans cinq minutes.

… Je suis dans la rue, portant mon sac — allégé d’une quarantaine de mille francs, cinquante peut-être. — Elle n’y va pas de main morte, Mme Delpich ; et moi, pour la première fois qu’il m’arrive de laisser à une femme un souvenir négociable chez les changeurs… Mais il faut un commencement à tout…


Il est six heures du matin à peine et je dors du sommeil du juste, à l’hôtel du Roi Salomon, lorsque des coups violents frappés à ma porte me réveillent en sursaut.

— Qui est là ?

C’est Roger-la-Honte, qui arrive de Londres qu’il a quitté hier soir, à peu près à l’heure où Delpich partait de Bruxelles. Je suis très content de le voir, ce brave Roger. Je le mets rapidement au courant des choses et Dieu sait s’il s’amuse ; je crains, un instant, de le voir mourir de rire. Il est entendu qu’il va repartir pour Londres immédiatement, en emportant mon sac. Réglementairement, je ne devrais lui donner que 33 pour cent sur ma prise ; mais je tiens à ce que nous partagions en frères. Nous établissons le compte exact ; et le total nous fait loucher. Une belle affaire, décidément. Mais cette bonne fortune inespérée, après avoir réjoui le cœur de Roger-