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LE VOLEUR

une liaison qu’elle ne pouvait réussir à rompre. Mon mari, qui est un misérable, je dois le dire, a pu s’emparer de ces lettres et, en me menaçant de tout révéler à mon père, cherche à obtenir de moi la complète disposition de ma fortune. Je veux vous apprendre en détail…

Oh ! ces détails ! C’est à faire dresser les cheveux sur la tête. Quel affreux drôle, ce Delpich ! Non, il n’est pas possible que l’infamie aille aussi loin. A-t-elle dû souffrir, la malheureuse femme ! Elle est de ces natures, heureusement pour elle, sur lesquelles les peines et les chagrins de la vie laissent difficilement leur empreinte. Vingt-cinq ans, environ, grasse, blonde, ronde. Un Rubens, presque. Torse en fleur, hanches de bacchante, carnation glorieuse, blanche avec la transparence du sang, lèvres rouges, charnues et gloutonnes, et des yeux bleus sans grande profondeur, mais où l’on croit voir étinceler quelque chose, de temps en temps — comme le reflet d’une arme courte, la pointe aiguë d’un stylet. — Une belle femme, un peu massive, un peu moutonne, qui pourrait faire des affaires avec Shylock ; une livre de chair en moins ne la gênerait pas. En vérité, on ne dirait jamais qu’elle a enduré un pareil martyre. Pourtant, le fait est réel. Elle l’affirme.

— Oui, Monsieur, je suis au supplice depuis un an. Ah ! si j’avais eu ces lettres, seulement… Ce soir, je m’étais résolue à les enlever. Mon mari m’avait confié la garde de son cabinet et j’avais été acheter un outil, avant de venir. Mais je sais si mal m’y prendre !… Oh ! j’ai eu tellement peur, quand vous êtes entré ! Mais, à présent, je vois bien que c’est la Providence qui vous envoyait ici. Oui, la Providence qui veut, malgré tous les péchés que vous avez pu commettre, vous faire faire une bonne action en m’aidant…

Elle fond en larmes. Je suis touché, très touché. Je la console de mon mieux.

— Voyons, Madame, calmez-vous. Vous avez raison, c’est la Providence qui m’envoie. Je vais vous