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LE VOLEUR

éraflé en dix endroits. Alors, c’est un confrère, qui est ici ? Elle est bonne, celle-là ! Au lieu de mon aventure d’Anvers, c’est celle de la ville de province ou j’ai rencontré ce malheureux Canonnier qui va recommencer. Seulement, ce n’est pas un Canonnier que je vais trouver ; non, ces marques hésitantes qui balafrent le secrétaire ne témoignent pas de l’habileté de l’ouvrier : un débutant, sans doute, quelque conscrit du cambriolage qui n’a pas encore la main faite. Il faut voir sa figure, au camarade.

À pas de loup, je me dirige vers la petite porte, je mets tout doucement la main sur son bouton, et je l’ouvre toute grande, vivement. Je m’attends à du bruit, à un cri… Rien, j’avance un peu, ma lanterne à la main… Une petite pièce meublée d’un lit, d’une table, de deux chaises : le repaire nocturne du Stéphanus, évidemment, lorsqu’il était de service ici ; mais… Ah ! oui, il y a quelqu’un dans cette chambre. Là-bas ! derrière l’étroit rideau de la fenêtre. Je distingue une forme et… oui, oui, je ne me trompe pas — des cheveux de femme, un chignon blond qui dépasse l’étoffe. Une femme !…

Et, tout d’un coup, je comprends. Je me rappelle ce que m’a dit l’abbé Lamargelle, à Vichy, au sujet des relations d’affaires de Mme Hélène de Bois-Créault avec le trafiqueur Delpich. En un clin d’œil, toute une série de possibilités, de certitudes, se déroule en mon cerveau. J’en suis sûr ! c’est la fille de Canonnier qui est là ; je sais comment elle y est venue, pourquoi elle y est… je devine tout, je sais tout.

— C’est vous, Hélène ? dis-je à voix basse. N’ayez pas peur ; c’est moi, Randal… Randal, je vous dis… Hélène ? C’est vous ?…

Silence. — Il n’est pas possible que j’aie fait erreur, cependant ! Je fais deux pas en ayant… Alors, une femme écarte le rideau, s’élance, se jette à mes genoux en criant :

— Grâce ! Grâce ! Par pitié, ne me tuez pas !…

Du drame !… Mais je ne la connais pas, cette