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LE VOLEUR

— Oui, dit un jeune homme, c’est Armand de Bois-Créault qui vient d’être tué.

— C’est ce qui pouvait lui arriver de mieux, répond un autre. Il avait fait des faux… Mais, certainement : des faux ; il y a deux mois environ, au moment où sa famille ne lui fournissait pas les fonds qu’il lui fallait. Vous ne saviez pas ? Alors, il n’y a que vous… Il aurait été poursuivi, malgré le remboursement qu’il offrait, et déshonoré avant la fin de la semaine.

Je descends l’escalier. Déshonoré ! Il aurait été déshonoré… Tout d’un coup, la confusion de faits inexplicables se débrouille, je trouve la clef de choses que je ne pénétrais pas. Ce domino noir — ce domino noir qui est venu chercher Mouratet et lui a mis le revolver à la main — ce domino noir, c’est Hélène… Oui, j’en suis sûr ! C’est Hélène !… Hélène qui redoutait la flétrissure dont un scandale fangeux allait marquer ce nom de Bois-Créault qu’elle a conquis, et veut garder sans tache visible, Hélène qui a pu du même coup satisfaire sa vengeance et saisir sa liberté entière — et qui défend l’Honneur du Nom…

Ah ! misère !… Stupidité tragique !…


Je suis sorti du théâtre et je vais en descendre les marches. La nuit est froide. Le ciel, pur et très haut, semble une voûte d’acier sombre, où sont enchâssées des pierreries… Je me souviens de la conversation que nous avons eue, Roger-la-Honte et moi, au sujet des étoiles, la nuit où nous avons volé l’industriel, en Belgique. Oui, si d’autres astres sont habités, les êtres qui y vivent voient rayonner notre planète, notre planète si infâme, si hideuse et si noire — ils la voient rayonner de l’éclat des diamants purs.