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LE VOLEUR

va. Mouratet, l’air ahuri, la bouche ouverte, s’est renversé sur le dossier de sa chaise, les bras ballants.

— Es-tu malade ? demandé-je. Que t’a dit cette femme ?

— Rien, rien, répond-il en se levant. Attends-moi une minute ; je reviens.

Il s’éloigne, suivant le chemin que vient de prendre le domino noir.

— Ah ! dit la Dinde, ce n’est pas grand’chose, allez ; une farce, sans doute ; un bateau qu’on lui monte. On raconte tant de blagues, ici !…

C’est certain ; mais… je voudrais bien savoir ce que fait Mouratet, tout de même, je prends le parti d’abandonner la Dinde à ses réflexions et de sortir. J’ai à peine fait trois pas dans le couloir que le bruit étouffé d’une double détonation parvient à mes oreilles. Je me précipite.

Mais des gardes municipaux, plus prompts que moi, se sont élancés, ont ouvert la porte d’une loge, ont empoigné Mouratet. Par la porte entrouverte, j’ai le temps d’apercevoir deux corps étendus, un corps d’homme, un corps de femme vêtue de blanc, avec une tache rouge sur la poitrine. Deux gardes entraînent Mouratet qui chancelle, l’enlèvent en toute hâte, à bout de bras. Un autre se met en faction devant la porte de la loge qu’il vient de refermer.

— Circulez, Messieurs, nous dit-il à moi et à quelques autres curieux ; n’attirez pas la foule.

Deux messieurs arrivent, le commissaire et le médecin de service. Ils pénètrent dans la loge, et en sortent trois minutes après.

— Ce n’est absolument rien, dit le commissaire aux badauds ; un imbécile s’est amusé à faire partir des pétards et deux dames se sont trouvées mal.

Je m’approche du docteur et l’interroge en lui donnant les raisons de ma curiosité.

— Ils sont morts tous les deux, dit-il tout bas ; l’homme vient de rendre le dernier soupir et la femme a été tuée sur le coup ; atteinte en plein cœur. Ven-