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LE VOLEUR

Mouratet se tourne et Renée lui fait un grand pied de nez.

— C’est encore mieux.

Armand de Bois-Créault arrive. D’un Louis XIII irréprochable. Nous partons.


Canaille, ce bal. Triste aussi, malgré toutes les exubérances, la musique, les serpentins et les confetti. Des femmes en dominos — blanc partout en toutes les nuances — ; des hommes en habit, comme moi ; s’embêtant, comme moi ; et venus là sans savoir pourquoi, comme moi. Les travestis ; glacés du satin, clinquant des paillettes, mensonges des dentelles, Malines, pierreries et cailloux du Rhin, bijoux de prix et costumes somptueux ; on ne sait pas bien. Pourquoi ces gens-là se déguisent-ils ? Par nécessité ? Pas tous. Le besoin de prendre une attitude vis-à-vis des autres et surtout vis-à-vis de soi, de se paraître naturel à soi-même. Ils n’ont point de personnalité et cherchent à s’en faire une, pour un soir. Et celle qu’ils arrivent à se créer, c’est la leur propre qu’ils retrouvent, si l’on sait voir. Pour mon compte, je n’ai jamais éprouvé de surprise à voir un être se démasquer. C’est toujours le visage que je m’attendais à trouver sous le masque qui m’est apparu. Du reste, tel masque, posé sur telle figure, n’a pas du tout le même aspect que s’il en recouvre une autre. Le masque ne dissimule pas, il trahit. Une chose étonnante, c’est la tendance aristocratique des travestissements ; princes, princesses, seigneurs et marquises. On ne se croirait guère en pays démocratique ; ou plutôt… Cette dernière remarque était bonne à faire — d’autant plus que ce n’est que l’avant-dernière. — Voici la constatation finale : dans cette foule de courtisans, pages, écuyers, barons et chambellans, pas un roi, pas un personnage portant le diadème, tenant le sceptre à la main. Personne ne veut régner. Tout le monde veut être de la cour. On voit ça ailleurs qu’ici.

Mouratet fait sensation. Dans un couloir, une