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LE VOLEUR

Elle saute sur mes genoux, me passe un bras autour du cou.

— Voyons, gros bête ! Puisque je vous dis que ça ne peut pas durer comme ça et qu’il faut que je m’en aille demain car j’aurai de l’argent ce soir. Si je pouvais partir toute seule… Mais je ne connais rien aux trains, aux bateaux, à tout ça… Je me perdrais. Et puis… Ah ! mais, j’y suis, à présent ! Ce n’est pas du tout un collage que je vous propose, vous savez. C’est ça que vous craigniez, pas ? N’ayez pas peur. J’en ai assez, des liens sacrés, et profanes, et de tous les liens. Non. Vous ferez de moi tout ce que vous voudrez ; vous me garderez un jour, ou un mois, ou pas du tout, comme il vous plaira. Une fois que vous m’aurez sortie d’ici, je saurai bien me tirer d’affaires.

Pas très sûr. Ce n’est point un métier commode, le métier d’aventurière. Mais on verra. En tous cas, la situation change.

— Je croyais, dis-je, que vous ne parliez pas sérieusement ; mais puisqu’il en est autrement, disposez de moi. Deux mots seulement. Vous voulez emporter vos toilettes ?

— Pas toutes. Sept ou huit malles, tout au plus.

— Faites-les envoyer demain à Londres, à mon adresse. Et quant à vous, soyez chez moi vers quatre heures, et ne vous inquiétez de rien.

— À la bonne heure, dit Renée. Vous êtes gentil comme tout. Tiens ! embrasse-moi ; il y a longtemps que j’en ai envie…

Mais elle se redresse, tend l’oreille ; une porte vient de s’ouvrir, au fond de l’appartement.

— Voilà Barbe-Bleue, dit-elle. Anne, ma sœur Anne…

Elle saute sur ses pieds, pirouette, fait un geste de voyou, et s’en va à grandes enjambées, les bras en l’air.

Mouratet, une seconde après, entre dans le salon ; et je ne puis retenir un cri à son aspect. Il est ignoble. Ah ! cette défroque de criminel — et de quel cri-