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LE VOLEUR

dras aussi, j’espère ? Tu sais, nous nous travestissons tous de pied en cap. Que veux-tu ? Ce sont des choses que je n’aime pas beaucoup, mais elles me seront bientôt interdites ; car, lorsqu’on porte l’écharpe de député… Oui. Armand sera en seigneur Louis XIII, Renée en pierrette… elle a refusé de se faire faire un costume plus dispendieux… — Ah ! me suis-je écrié, tu devrais être honteux ! C’est un reproche muet qu’elle t’adresse là, mais il est éloquent. — C’est vrai, a répondu Mouratet, la larme à l’œil ; et j’ai commis une autre sottise… Figure-toi… Non, c’est trop bête ! Figure-toi que, moi, je serai déguisé en Barbe-Bleue. » Cette fois, j’ai ri sans me gêner, et de bon cœur. Mouratet en Barbe-Bleue ? Oh ! c’est à se rouler… « Je vois bien que c’est ridicule, a-t-il continué d’une voix piteuse ; mais le costume est commandé, en cours d’exécution… Alors, c’est entendu. Nous comptons sur toi ; viens nous prendre mardi soir. » Et il m’a quitté, l’air joyeux et penaud en même temps, joyeux des excellentes consolations que je lui ai données, penaud de m’avoir fait la confidence de sa jalousie sans motifs. Ah ! triste et stupide idiot…


— Monsieur et Madame ne sont pas encore prêts, me dit le domestique qui m’introduit, le mardi, vers onze heures du soir, dans le salon du boulevard Malesherbes.

C’est bon. Je prends un journal sur une table ; mais j’ai à peine eu le temps de le déplier qu’une porte s’entr’ouvre, s’ouvre tout à fait, et que Renée, en costume de pierrette moins le chapeau blanc, s’élance vers moi.

— Vite ! Vite ! dit-elle, écoutez-moi. Voulez-vous me rendre deux grands services ?

— Cent, mille, tant que vous voudrez.

— Merci. Eh ! bien, d’abord, il faut vous arranger, ce soir, à éloigner de moi mon mari pendant une demi-heure. Vous voyez ça ? Qu’il n’ait pas envie d’aller regarder où je suis. Je vais vous le dire où je