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LE VOLEUR

trice sera Mme Boileau. Vous connaissez, je crois ?

— Mme Boileau ? Non ; pas du tout.

— Mme Ida Boileau, rue Saint-Honoré ?

— Quoi ! Comment !…

— Mon Dieu ! ricane l’abbé, ne faites donc pas l’enfant. Les choses les plus simples vous plongent dans la stupéfaction.

— Vous exagérez. J’ai appris à ne plus guère m’étonner. Ma surprise vient plutôt de vous voir en relations avec…

— Votre entourage ?… C’est le hasard qui le veut, apparemment. Tenez, regardez là-bas, dans cette allée, ces deux messieurs et cette dame… Vous les connaissez certainement.

— En effet, dis-je après avoir tourné la tête dans la direction que m’indique l’abbé. Le personnage qui se trouve à droite se nomme Mouratet ; c’est un de mes amis, et la dame est sa femme ; quant au troisième promeneur, je ne me rappelle pas…

— C’est M. Armand de Bois-Créault, dit l’abbé ; il est l’amant de Mme Mouratet et le mari d’une femme charmante qui fut obligée de se séparer de lui.

— La connaissez-vous ? demandé-je anxieusement, car j’ai cessé de correspondre avec Hélène depuis plusieurs mois et je ne sais rien d’elle.

— Pas personnellement, répond l’abbé. Elle habite la Belgique et je n’ai jamais eu l’honneur de la voir, bien que j’aille souvent à Bruxelles. Mais j’en ai entendu parler par un banquier belge, un trafiqueur, si vous voulez, qui se nomme Delpich et avec lequel elle fait des affaires. Elle est fort intelligente et très ambitieuse, paraît-il… Au fait, autant vous l’avouer ; je connais toute son histoire et je n’ignore pas, non plus, celle de la famille de Bois-Créault.

— Elle est édifiante.

— Mme de Bois-Créault aimait son fils, dit l’abbé en secouant la tête ; il est en train de la ruiner et elle l’aime encore. Elle l’aime à mourir pour lui ou à tuer pour lui… Écoutez : nous sommes tous malades,