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LE VOLEUR

entrer, pour assister aux souffrances de l’orpheline et souhaiter la mort du traître, quand vous pouvez vous distraire gratis aux bagatelles de la porte ? La tragédie, c’est pour les cerveaux faibles… Bon… voilà que je fais des phrases… Un petit verre de chartreuse ?

Non. Mme Voisin s’échauffe un peu, et je préfère lui laisser le temps de se calmer. Je déclare que je désire faire un tour au parc ; et M. Voisin, que je rencontre dans le vestibule, me souhaite beaucoup de plaisir.


Du plaisir !… Dame ! Pourquoi pas ?… C’est plein de bon sens, ce que vient de me dire cette brave femme. C’est plein de bon sens… Les braises du foyer et la sottise des rêves, la parade de la foire et la tragédie pour les cerveaux mal trempés… Très vrai ! Très vrai !… Je crois que si je rencontrais mon oncle, dans cette allée où je me promène, je ne lui donnerais guère que deux ou trois coups de pied quelque part. Non, je n’irais pas plus loin…

Bien mesquin, ce parc, avec ses pelouses galeuses, ses allées au gravier déplaisant, ses arbres sans majesté. Le Casino là-bas, tout au bout ; le Kiosque à musique, à côté, où grince un discordant orchestre cerclé de plusieurs rangées d’honnêtes femmes qui semblent empalées sur leurs chaises, tandis que des bataillons de cocottes multicolores tournent derrière leur dos, dans le sentier circulaire, talonnées par les hommes, avec des airs de génisses qui regardent passer des trains…

C’est pas tout ça. Je ne suis pas venu dans ce parc pour faire des descriptions vives — des hypotyposes, s’il vous plaît — mais pour réfléchir. Réfléchissons… Je réfléchis ; et je ne sais pas jusqu’où iraient mes réflexions si je ne me trouvais, tout d’un coup, devant l’abbé Lamargelle. Rencontre bizarre, inattendue, presque providentielle ! Sera-ce la dernière ? Peut-être que non. Mais n’anticipons pas…

L’étonnement et la joie que nous éprouvons l’un