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LE VOLEUR

ce soir, n’est-ce pas ? Sans ça, je me fâcherai. Je voudrais bien rester à déjeuner avec toi, mais je ne peux pas. Je suis attendue à Cusset ; je suis très demandée en ce moment… Je reviendrai vers dix ou onze heures, Tiens, voici l’hôtel Jeanne d’Arc, où j’habite ; prends-y une chambre ; les propriétaires sont charmants…

— Je le crois. J’ai justement une commission à leur faire. Leurs enfants demeurent à Londres.

— C’est vrai, dit Margot, la fille était ici avant-hier encore, ou il y a trois jours ; une petite blonde très jolie. Elle est modiste, paraît-il. Moi, je crois qu’elle est modiste comme moi ; enfin, c’est son affaire. Et tu la connais, scélérat ?

— Un peu. Son frère est mon associé.

— C’est bien drôle, tout ça ! dit Margot comme la voiture s’arrête devant l’hôtel. Il faudra que j’aille faire un tour à Londres, pour voir. Je crois que tu me trompes indignement, et j’exige que tu me donnes des explications ce soir.

— C’est entendu, dis-je en descendant, tandis qu’un garçon de l’hôtel se précipite vers ma valise. À dix heures moins un quart, je commencerai à préparer un roman à ton intention.

Margot me fait un signe menaçant avec son ombrelle, et la voiture repart au grand trot.


Ils sont réellement charmants, ces propriétaires de l’hôtel Jeanne d’Arc. Ils ont été enchantés d’apprendre que je leur apportais des nouvelles de leurs enfants, surtout de Roger qu’ils n’ont pas vu depuis plusieurs mois. Ils m’ont prié d’accepter à déjeuner avec eux, en regrettant vivement que leur fille aînée, Eulalie, eût été invitée chez M. le curé.

— Si elle avait pu prévoir votre arrivée, elle se serait excusée, certainement, dit Mme Voisin ; elle aurait été si heureuse de vous entendre parler de son frère et de sa sœur ! Elle les aime tant !

Peut-être bien. Mais, moi, je ne suis pas fâché de n’avoir point à affronter tes sermons de la demoi-