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LE VOLEUR
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sens m’étreindre invinciblement les appréhensions qu’elle éprouve, je sens la peur qui la secoue palpiter en moi et pétrifier ma volonté, peser sur mon esprit d’un poids insupportable. Ah ! si elle parlait, au moins ! Si elle me disait de rester là, de ne pas partir ; si elle prononçait une parole… Mais elle est muette et ses larmes seules, qu’elle essaye vainement de me cacher, m’apprennent quelles inquiétudes la tenaillent. Tout à l’heure, au moment où je partais, elle a été sur le point de s’évanouir et je n’ai pu réprimer un mouvement de dépit.

— Tu veux donc me faire prendre ! me suis-je écrié. Tu le voudrais, en vérité, que tu n’agirais pas autrement. Elles sont contagieuses, tes terreurs folles, et je finis par avoir aussi, ma parole, le pressentiment d’une catastrophe ! À force de prévoir le malheur on le fait venir, tu sais. Et si je suis pris tu pourras te dire… Tiens, tu me mettrais en colère, tellement tes frayeurs me crispent et me découragent, tes frayeurs sans raisons et qui me font honte, si tu veux que je te le dise…

Et je suis sorti de la maison, furieux, sans vouloir permettre à Charlotte de m’accompagner à la gare, sans même l’embrasser.


C’est très bête, tout ça. C’est stupide. Je me le répète sur le pont du bateau que j’ai pris à Saint-Malo, tout seul, Roger-la-Honte étant parti pour Bordeaux une fois le coup fait à Orléans. Oui, c’est insensé. Charlotte doit être dévorée d’angoisses depuis ces trois jours que je l’ai quittée en lui reprochant, ainsi qu’une brute, des pressentiments qu’elle n’aurait point si elle ne m’aimait pas. C’est tout naturel que le hors-la-loi, l’homme habitué à voler son existence, ainsi que le cheval dressé à sauter les obstacles, ne ressente aucun émoi devant les actes les plus dangereux ; c’est un mithridaté, un halluciné qui ne songe même plus à la possibilité d’un accident funeste. Mais la femme, la femme qui aime, confidente alarmée de