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LE VOLEUR

les membres se crispent, veulent se retourner, on dirait, par des efforts désespérés ; et la peau bleuit comme si les extrémités, déjà, commençaient à se glacer. Elle essaye de se lever, de se frapper la tête contre quelque chose, sa tête blême dont un œil seul, vitreux, est grand ouvert, et dont la bouche devenue muette ne laisse plus échapper que des plaintes inarticulées, des râles qu’arrache une douleur sans nom… Ha ! Horrible, cette agonie d’enfant…

Mais les plaintes s’affaiblissent, s’éteignent. Le petit corps gît lourdement, semble peser de plus en plus sur le lit — et c’est comme si quelque chose s’en allait peu à peu, voguait, toujours plus loin, vers des océans cruels, sur de grandes vagues de solitude…

Charlotte, agenouillée devant le lit, se relève tout à coup, les yeux hagards, et recule jusqu’au mur.

— Elle est morte ! crie-t-elle.

Et debout, après ce grand cri, elle contemple sans un mot, sans une larme, cette enfant que son étreinte ne réchauffera plus… Elle reprend :

— Tu vois ! Tu vois !… Elle est morte !

Puis, elle se précipite vers le petit cadavre, essaye de lui rendre, dans un embrassement suprême, le souffle envolé pour jamais.

Et un grand silence, troublé seulement par les sanglots d’Annie agenouillée dans un coin, règne dans cette chambre où vient de s’accomplir l’irréparable.