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LE VOLEUR

Le docteur monte l’escalier. Je vais lui ouvrir la porte du salon. Une face blafarde, chauve, glabre ; une tête de veau au blanc d’Espagne.

— Monsieur, me dit-il, j’ai prévenu votre servante, qui est venue me chercher, que je demandais cent livres. Aujourd’hui, Noël, vous comprenez… Elle m’a remis cinquante livres ; et, avant toute autre chose…

— En voici cinquante autres.

— Merci, Monsieur, dit le docteur Scoundrel avec un sourire livide, et en plaçant les billets dans un portefeuille qu’il glisse dans une poche de sa redingote. Par ici, n’est-ce pas ?

La petite fille se réveille, comme il entre. Et j’ai une vision de cellule de condamné à mort, au moment où y pénètre le fonctionnaire qui vient annoncer le rejet du recours en grâce…


Je viens de suivre le docteur dans le salon.

— Il n’y a plus d’espoir, me dit-il. Cette enfant est épuisée, à bout de forces. Il y a déjà paralysie de la langue et d’un œil. À la première convulsion, elle vous quittera. Je vous souhaite de pouvoir trouver, en ce saint jour qui commence, au souvenir de ce que Dieu…

Je l’interromps.

— Si je vous avais fait appeler hier, avant-hier, auriez-vous pu sauver ma fille ?

— Pas plus qu’aujourd’hui. À un âge aussi tendre… Au moment de la conception, les parents devaient avoir de vives contrariétés, de grands chagrins… Non, dès le début, tout était vain.

— Vraiment ?

— Sur l’honneur, Monsieur ! dit-il en frappant de la main la poche qui contient le portefeuille où il a serré mes bank-notes.

Je le reconduis jusqu’à la porte. Et quand je rentre dans la chambre, je vois qu’il est inutile de parler.

Des convulsions terribles ont saisi la petite martyre ;