Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/329

Cette page a été validée par deux contributeurs.
312
LE VOLEUR

Brusquement, je retire ma main que Charlotte tient dans les siennes ; et un grand frisson me secoue.

— Qu’as-tu ? demande-t-elle, attristée et se méprenant, naturellement, sur la cause de mon émotion. Qu’as-tu ? Oui, j’aurais mieux fait de suivre ma première idée, et de l’appeler Georgette. Mais, Hélène, c’est un joli nom aussi. Tu ne trouves pas ? Tu m’en veux ?

— Non ; pas du tout… Mais tu dois être très fatiguée, Charlotte. Il va être une heure du matin ; tu ferais bien d’aller te coucher et d’essayer de dormir. Moi, je reste ici ; si j’entends l’enfant se plaindre, j’irai te prévenir. Va, sois raisonnable. Je vais rouler un fauteuil devant le feu… il faut l’entretenir, car la nuit est froide.

— Demain matin, tu enverras chercher un médecin ?

— Oui, certainement. Demain matin ou plutôt ce matin, car nous sommes à dimanche depuis cinquante minutes.

— Et c’est lundi Noël, dit Charlotte en soupirant. Mon Dieu ! pourvu que mes craintes aient été folles ! Bonsoir…

Elle se retire, ferme doucement la porte ; et je reste seul, regardant mes pensées, à mesure qu’elles passent, se réfléchir en formes fugitives dans les charbons ardents du foyer… Ma fille s’appelle Hélène… Ah ! qu’elle est amère, cette perpétuelle ironie des choses !…

Je descends à la salle à manger, au rez-de-chaussée. Je remonte avec une bouteille d’alcool et je me fais des grogs très forts, toute la nuit. Vers six heures, je m’endors…


C’est Charlotte qui m’a réveillé, à neuf heures. Et, tout aussitôt, j’ai envoyé Annie chercher un médecin qui lui a promis de venir sans tarder. Onze heures sonnent, et il n’est pas encore arrivé. Mais on frappe ; ce doit être lui. Non, c’est un télégraphiste qui apporte une dépêche. Un télégramme envoyé par Ro-