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LE VOLEUR

— Au voleur ! Au voleur ! Arrêtez-le !… Par ici !… Par là !… Au voleur !…

La meute continue la poursuite, vient de s’engager dans la rue, passe devant la maison en hurlant ; les grosses bottes de la police, à présent, sonnent sur le pavé. Puis, le bruit diminue, s’éteint. Nous restons muets, sans bouger, dans les ténèbres, l’homme au pardessus couleur muraille et moi.

— Suivez-moi, dit-il en frottant une allumette ; tenez, voici l’escalier.

Nous montons. Un étage. Deux étages.

— Attendez-moi ici, me dit-il tout bas, sur le palier.

Il ouvre une porte et, tout aussitôt, j’entends la voix d’une femme.

— C’est toi ! Bonsoir. Qu’y avait-il donc, dans la rue ?

Puis, une conversation entre elle et lui, dont je ne parviens pas à saisir un mot. Ça ne fait rien ; cette voix de femme m’a donné confiance, je ne sais pourquoi ; je suis sûr, à présent, que je ne serai pas trahi. L’homme revient vers la porte qu’il a laissée entrebâillée.

— Entrez, dit-il.

J’entre. Une salle à manger très propre, mais pauvre. L’homme est debout, tête nue, sous la lumière crue de la lampe suspendue qu’il vient de remonter. Et, tout d’un coup, je le reconnais.

C’est Albert Dubourg, mon ami d’enfance, mon camarade de jeunesse, celui dont le père avait commis des détournements, autrefois, et qu’on m’avait défendu de fréquenter.

— Albert ! m’écrié-je. Albert !

— Oui, dit-il en souriant d’un sourire triste. C’est moi. Tu ne t’attendais pas à me rencontrer ce soir, n’est-ce pas ? Moi, non plus. Enfin, je suis heureux d’avoir été là…

— Figure-toi, dis-je en m’efforçant d’inventer une histoire, figure-toi…

— Ne me dis rien. J’aime mieux que tu ne me dises rien. À cause de ma femme, d’abord ; elle pour-