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LE VOLEUR

Je ne suis pas touché ; c’est le principal. D’un saut, je suis dans le jardin ; d’un bond, je passe par-dessus le mur ; et je cours dans la rue, de toute ma force.

Mais l’homme de Dieu est sur mes talons, criant, hurlant.

— Au voleur ! Au voleur ! Arrêtez-le !…

Des fenêtres s’ouvrent, des portes claquent. Des gens se joignent à l’homme de Dieu, galopent avec lui, crient avec lui. La meute est à cinquante pas derrière moi, pas plus. Ah ! que cette rue est longue ! Et pas un chemin transversal ; un quai seulement, tout au bout… Il me semble apercevoir la prison, la cagoule, tout le bataclan…

Je cours, je cours ! J’approche du quai. Il n’y a personne devant moi, heureusement… Si ! un homme, un homme couvert d’un pardessus couleur muraille, vient d’apparaître au bout de la rue, s’est arrêté aux cris des gens qui me pourchassent, et va me barrer le passage. J’ai ma pince à la main ; je peux lui casser la figure avec… Ah ! non ! Pas jouer ce jeu-là ; ça coûte trop cher ! Un coup de poing ou un coup de tête, mais rien de plus. Je jette la pince… L’homme est à cinq pas de moi ; il s’arc-boute sur ses jambes, les yeux fixés sur ma figure qu’éclairent en plein les rayons d’un réverbère. Tant pis pour lui, s’il me touche… Mais, brusquement, il s’écarte.

Je suis sauvé ! Le quai, un lacis de petites ruelles, à droite, et une place où je pourrai trouver une voiture. Je suis sauvé…

Non ! L’homme au pardessus couleur muraille s’est mis à courir derrière moi. Je suis éreinté, à bout de souffle. Il m’atteint, il est sur moi. J’ai juste le temps de me retourner…

— N’ayez pas peur ! dit-il. Et venez vite, vite !

Il me prend par le bras, m’entraîne. Nous descendons la rue à toute vitesse.

— Ici !

Il a ouvert la porte d’une maison, me pousse dans le corridor obscur, referme la porte sans bruit.