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LE VOLEUR

— Oui, dis-je ; et vous passez sur Waterloo Bridge, un pont qui ne s’appelle pas pour rien le Pont des Soupirs, avec votre éternel sac qui contient souvent une fortune. Un de ces soirs vous serez attaqué par quelque bandit qui vous enverra dans la Tamise, par-dessus le parapet, et le lendemain matin votre cadavre fera la planche à Gravesend.

Paternoster hausse les épaules.

Il a raison, en fin de compte. Ta destinée cherche après toi, dit le calife Omar ; c’est pourquoi ne la cherche pas. Tournez à gauche, tournez à droite, vous êtes toujours sûr, à l’heure marquée, de trouver la mort au bout du fossé — ou au bout d’une corde.


Roger-la-Honte ne pense pas autrement. Il me l’a déclaré au cours d’un petit voyage que nous venons de faire en Hollande, et que nous ne regrettons pas d’avoir entrepris. Il a pris ce matin le bateau pour l’Angleterre, avec le produit de nos honteux larcins ; et moi je suis venu à Anvers où, si j’en crois la rumeur publique, une jolie somme dort paisiblement dans la sacristie d’une certaine église.

Est-ce un conte ? Je vais m’en assurer. Car j’entends justement sonner minuit, l’heure des crimes, et je franchis lestement le petit mur qui protège le jardin sur lequel s’ouvre la porte de la susdite sacristie. À dire vrai, cette porte s’ouvre difficilement ; mais ma pince parvient à la décider à tourner sur ses gonds.

Me voici dans la place. Il y fait noir comme dans un four, mais… Ah ! diable ! Il me semble que j’entends remuer. Oui… Non. Pourtant… Si, quelqu’un est caché ici ; j’en mettrais ma main au feu. Curé, vicaire, suisse, bedeau ou sacristain, il y a un homme de Dieu en embuscade dans cette pièce… Après tout, je me fais peut-être des idées… Il faut voir ; je vais allumer ma lanterne. Homme de Dieu, y es-tu ?

Boum !…

C’est un coup de pistolet qui me répond, comme j’enflamme une allumette.