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LE VOLEUR

dos vert, pour qu’on n’ait pas l’âme bleue. Non, les souteneurs n’ont pas l’air dépaysé dans la société actuelle. Ils se sont mis au diapason. Leurs femmes payent leur dot après, et par à-comptes ; voilà tout.

Ah ! ne mangez jamais, jamais de ce pain-là !…

Ils ne répondent pas ; Ils ont la bouche pleine. Heureusement ! Ils auraient trop à dire.

Je les regarde, ces voleurs ; et je cherche parmi eux l’être au front bas, aux yeux sanglants, au visage asymétrique. Lombroso a dû le mettre dans son armoire, car je ne peux le découvrir. Ces voleurs sont des hommes comme les autres ; moins vilains, tout de même ; on ne voit pas, sur leurs faces, les traces de la lutte avec la morale qui balafrent tant de figures, aujourd’hui. De beaux types ; ou bien des visages qui semblent truqués, des physionomies habituelles sur la scène du Français, lorsqu’on joue le répertoire classique. Autrefois, paraît-il, les voleurs se distinguaient, dans les milieux qu’ils fréquentaient, par leur exubérance, leur surexcitation, leur âpreté de jouissance nerveuse. On sentait qu’ils volaient leur liberté. Ils se disaient d’« anciens honnêtes gens », ce qui laissait supposer qu’ils se souvenaient confusément, mais douloureusement, de leur honnêteté — à peu près comme des damnés se rappelleraient les choses de la terre. — À présent, rien ne les sépare plus, à l’œil nu, du commun des mortels. Ce sont des gens d’allures indifférentes, qui ignorent la fièvre et l’enthousiasme. On sent qu’ils prennent leur liberté. La vie qu’ils mènent est pour eux toute simple ; et, loin de la déplorer, ils ne songent même point à s’en faire gloire. Les condamnations ? Un danger à courir, une blessure à risquer — mais même pas une blessure d’amour-propre, ni un sujet de vanité. — Les sentences qu’on peut prononcer contre eux n’entraînent avec elles aucun effet moral. En dehors de leur caractère afflictif, elles n’ont pas de signification pour eux. On me dira que les voleurs n’ont qu’à lire les