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LE VOLEUR

volé dans le train qui l’a amené ici ! Mais il vous reconnaîtrait…

— Et puis ? Que pourrait-il faire ? Où sont les preuves ?… Oui, j’irai demain matin. Cela ne me déplaira pas… Mais laissez-moi vous faire tous mes compliments. Vous êtes très forte.

— Non ! s’écrie-t-elle en me jetant ses bras autour du cou et en fondant en larmes ; non, je ne suis pas forte ! Je suis une malheureuse… une malheureuse ! Je suis énervée, exaspérée, mais je ne suis pas forte… je donnerais tout, tout, pour n’avoir pas l’existence que j’aurai, pour avoir une vie comme les autres… Je me raidis parce que j’ai peur. Il me semble que je suis une damnée… N’est-ce pas, vous serez toujours mon ami ?

— Oui, dis-je en l’embrassant ; je vous promets d’être toujours votre ami… Maintenant, descendons, Hélène ; il est neuf heures et demie et la voiture que j’ai envoyée chercher va arriver.

Nous attendons depuis cinq minutes à peine dans un salon du rez-de-chaussée quand j’entends le bruit du petit panier de l’Anglaise.

— Les roussins viennent de faire signe à un fiacre, entre me dire l’hôtelier.

— Bien. Allons.

Hélène prend le petit sac qui contient son linge et les lettres, et nous sortons de la maison juste comme Roger-la-Honte descend du panier.

— Je n’ai pas été long, hein ?

— Non. Attends-moi vers minuit.

Je saute dans la voiture où Hélène a déjà pris place, je touche le cheval de la mèche du fouet et nous partons. Pas trop vite. Il faut laisser aux mouchards, dont le fiacre s’est mis en route, la possibilité de nous escorter. Ixelles est à gauche. Je prends à droite.

— Nous sommes suivis, dis-je à Hélène, mais pas pour longtemps. Quand nous arriverons aux dernières maisons de la ville, je couperai le fil.