Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
LE VOLEUR

devant moi, tout ce qu’il a à dire, et je me lève pour m’en aller. Mon père me retient par le bras.

— Reste là !

M. Dubourg parle depuis cinq minutes ; des phrases embarrassées, coupées, heurtées, honteuses d’elles-mêmes. Et, chaque fois qu’il s’arrête, mon père esquisse la moitié d’un geste, mais il ne répond rien. Rien ; pas un mot.

M. Dubourg continue. Il dit que des sympathies lui seraient si précieuses… des sympathies même cachées… qu’on désavouerait devant le monde…

Silence.

Il dit qu’il a eu un moment d’égarement… mais que le chiffre qu’on a cité était exagéré, qu’il n’avait jamais été aussi loin… qu’il ne s’explique pas… qu’il a refait tous ses comptes depuis vingt ans…

Silence.

Il dit qu’il a été un grand misérable de céder à des tentations… qu’il comprend très bien qu’on ne l’excuse pas à présent… mais qu’il avait espéré qu’on consentirait avant de le condamner définitivement… que, s’il ne se sentait pas complètement abandonné, le repentir lui donnerait des forces…

Silence.

Il dit qu’il va partir très loin avec sa famille… que, s’il était seul, il saurait bien quoi faire, et que ce serait peut-être le mieux…

Silence.

— Eh ! bien, a-t-il murmuré, je ne veux point vous importuner plus longtemps, M. Randal ; je vais vous quitter… Au revoir…

Et il a tendu une main qui tremblait. Mon père a hésité ; puis, il a mis l’aumône de deux doigts dans cette main-là.

— Adieu, Monsieur.

Alors, M. Dubourg est parti. Il s’en est allé à grandes enjambées, le dos voûté comme pour cacher sa figure, sa figure ridée, tirée, aux yeux rouges, qui a vieilli de dix ans. Le chien l’a suivi, le museau au