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LE VOLEUR

— Si je le crois !

— Alors, que faut-il faire ?

— Il faut commencer par quitter cet hôtel, vous et les lettres.

— Je suis prête, dit Hélène en se levant ; je n’ai qu’à mettre mon chapeau.

— Attendez ! Il est nécessaire de savoir où vous irez, d’abord, et ensuite comment nous sortirons d’ici. La maison est surveillée, certainement. Si nous n’avions pas fait la découverte que nous venons de faire, tout se passait très simplement ; nous partions demain matin pour l’Angleterre, au nez des policiers qui n’avaient aucun droit de nous empêcher de prendre le train pour Ostende et le bateau pour Douvres ; j’aurais prié l’hôtelier de brûler la valise, comme je vais le faire dans un instant, et l’on n’avait pas un mot à nous dire ; rien dans les mains ; rien dans les poches. Mais à présent, avec ces lettres que nous ne pouvons pas détruire et qu’il ne faut point qu’on trouve en notre possession… Ah ! bon, je sais où vous irez. Je connais une dame, à Ixelles, qui tient un pensionnat de jeunes filles. C’est une Anglaise dont le mari, estampeur de premier ordre, s’est fait pincer l’an dernier pour une escroquerie colossale et a été mis en prison pour plusieurs années ; cette pauvre femme s’est trouvée subitement sans grandes ressources ; mais, quelques camarades et moi, nous sommes venus à son aide. Elle désirait monter un pensionnat à Bruxelles pour les jeunes misses anglaises ; nous lui avons facilité la chose et l’un de nous, faussaire émérite, lui a confectionné des documents qui la transforment en veuve d’un colonel tué au Tonkin et tous les papiers nécessaires à la formation d’une belle clientèle. Ses affaires prospèrent ; elle a un cheval et deux voitures… Justement, c’est dans une de ces voitures qu’il faut partir d’ici, car si nous partons à pied ou dans une roulotte de louage, nous serons filés sans miséricorde… Mais qui ira chercher la voiture ? L’hôtelier ; je vais l’envoyer à Ixelles ; on ne le