Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
LE VOLEUR

des allumettes et a essayé de mettre le feu à l’hôtel, le lendemain. Il s’ennuie tant, dans son ermitage ! Il y couche ; on lui a dressé un petit lit de sangles, dans un coin. Quant à sa chambre, elle était pour moi, lorsque Barzot venait. Il y avait un portrait de Troplong en face du lit…

— C’est à ne pas croire ! dis-je pendant qu’Hélène s’arrête pour jeter un coup d’œil sur mes bagages que son père a déposés dans un coin, près d’une fenêtre ; c’est extraordinaire ! Les souffrances des orphelines persécutées dans les romans-feuilletons pâlissent à côté des vôtres ; et quelle âme de traître de mélodrame a jamais été aussi visqueuse et aussi noire que celles de cet homme qui vous a achetée et de cette femme qui vous a vendue ?… Quelles crapules !… Et elle a l’audace de vous proposer de retourner chez elle ! Et demain, peut-être, elle va envoyer Barzot faire appel à vos sentiments reconnaissants, en bon pasteur qui s’efforce de ramener au bercail la brebis égarée…

— Elle n’attendra pas à demain, dit Hélène. Barzot est déjà à Bruxelles.

— Il est ici ? Vous le savez ?

— Oui, je le sais… C’est cette valise qui me l’apprend, continue-t-elle en désignant le petit sac dont les ornements d’argent scintillent sous la lumière du gaz ; cette valise, là, qui porte ses initiales et que je sais lui appartenir — cette valise que vous lui avez volée.

Ah ! bah !… Ah ! bah !… Mais elle est pleine d’expérience, cette ingénue ; elle est très forte, cette innocente… Et c’est un premier président que j’ai volé ?… Comme c’est flatteur pour mon amour-propre !

— Vous ne m’en voulez pas d’avoir mis les points sur les i ? demande Hélène. Il vaut mieux parler franchement, n’est-ce pas ? Et il est inutile de vous laisser m’apprendre ce que je n’ignore point… Non, mon père ne m’a rien dit à votre sujet, ni au sien,