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LE VOLEUR

Et quatre hommes, le chapeau sur la tête, font irruption dans le salon. Nous nous levons tous les trois. L’un des hommes, qui tient un papier de la main gauche et dont la main droite, dans la poche du pardessus, serre la crosse d’un pistolet, s’approche de Canonnier.

— Vous êtes le nommé Canonnier, Jean-François ?… J’ai un mandat d’arrêt décerné contre vous. Empoignez cet homme ! dit-il à deux de ses acolytes qui saisissent chacun un des bras du père d’Hélène.

Et Canonnier sort d’un pas ferme, entre les argousins, sans un regard, sans un mot.


Ah ! oui, il doit croire à la force, cet homme qui voit ainsi toutes ses espérances brisées devant lui à l’heure même où il peut les transformer en actes, et qui a le courage de partir sans tourner la tête, l’œil sec, la bouche close. Et c’est à la mort qu’il va ; car c’est la mort, la mort lente, hideuse et bête, que cette relégation pour jamais dans les marécages de Cayenne. Mais il sait qu’il est inutile de s’indigner contre le sort et qu’il est lâche de gémir sur les débris des rêves. Le destin, qui est dur pour lui, pourra se montrer clément envers sa fille. Mais lui, qui ne peut plus rien pour elle, lui a donné en partant, par son silence même, la réponse à la question qu’elle lui posait tout à l’heure. Oui, il croit à la force. — Et elle y croira peut-être, elle aussi…

On frappe à la porte. Hélène se lève de la chaise sur laquelle elle s’est laissée tomber, pâle comme une morte.

— Entrez, dit-elle.

C’est le mouchard, celui qui vient d’arrêter Canonnier. Cette fois-ci, il salue obséquieusement.

— Mademoiselle, je suis chargé d’une mission par votre famille… c’est-à-dire des personnes qui s’intéressent à vous et qui…

— Avez-vous aussi un mandat contre moi ? demande Hélène dont la voix tremble de colère.

— Non, certainement, Mademoiselle, mais…

— Eh ! bien, je vous prie de ne m’adresser la parole que lorsque vous aurez ce mandat.