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LE VOLEUR

vices… depuis que je suis revenu. Oui ; on m’a chargé de deux missions importantes qu’on ne pouvait pas confier à tout le monde, et je les ai menées à bonne fin. À vrai dire, quand vous m’avez rencontré, je m’occupais d’une troisième affaire… Ah ! si je la réussissais, celle-là !…

— C’est donc bien important ?

— Très important. Il s’agit de s’assurer de la personne d’un individu qui s’est approprié des documents compromettants pour de hauts personnages ; on l’avait déjà mis hors d’état de nuire, mais…

— Comment m’écrié-je, avec un grand geste d’indignation. Comment ! Issacar, vous en êtes là !… Vous faites ça !…

— Pourquoi pas ? répond Issacar. Vous êtes admirable, vraiment ! Parce que j’ai commis des actes contraires aux prescriptions du Code, je serais condamné à n’en jamais commettre d’autres ? Il me serait interdit d’étayer l’autorité établie sous prétexte que je l’ai autrefois battue en brèche ? Ah ! non ; je n’engage ma liberté ni à droite ni à gauche ; je méprise assez les lois pour les narguer le matin et pour leur prêter le soir le concours de mon expérience, si j’y trouve mon intérêt… Voyez-vous, ajoute-t-il, il n’existe plus, au fond, que deux types aujourd’hui : le voleur et le policier ; quant à l’homme d’État, c’est un composé des deux autres. Il y a aussi l’Artiste ; mais, dans la Société actuelle, c’est un monstre.

Peut-être, après tout. Ah ! Et puis…

— Vous le savez, continue Issacar, je suis Juif ; et par conséquent, tout à fait indifférent à bien des choses qui vous passionnent. Ce détachement absolu n’est pas une manière d’être : c’est une raison d’être. Le Juif… Figurez-vous une caravane qui passe à travers un univers malade, apportant des remèdes dont on ne veut pas, et des poisons qu’on lui demande… Le Juif, à mon avis, n’a pas encore joué son rôle — le rôle qu’il jouera. — Il traversera l’épreuve de la tolérance comme il a traversé l’épreuve de la persécu-