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LE VOLEUR

— Non, mille fois non. Si c’est lui qui t’effraye, tu as tort d’avoir peur. D’ailleurs, je vais t’en donner bientôt la meilleure des preuves… Mais, d’abord, qu’as-tu l’intention de faire ? Quitter le plus vite possible Paris et la France avec ta fille, je présume ? Oui. Et aller à Londres, car il est bien improbable que l’Angleterre accorde ton extradition, si le gouvernement français la demande, car tu n’es pas condamné, mais simplement relégué.

— J’irai peut-être à Londres ; mais ça dépend. Où vas-tu, toi ?

— Moi, je vais à Bruxelles.

— Eh ! bien, moi aussi j’irai à Bruxelles.

— C’est de la folie ! La Belgique t’arrêtera et t’extradera sans la moindre hésitation.

— Peut-être, si l’on sait que je suis à Bruxelles ; mais si on l’ignore ? Car, si tu ne te trompes pas, si cet homme qui croise devant la maison depuis ce matin n’est pas un roussin…

— C’est si peu un roussin, dis-je, que je vais t’en débarrasser pour toute la journée. Je vais descendre et l’emmener avec moi. Regarde par la fenêtre. Une fois que tu m’auras vu partir en sa compagnie, tu seras libre de tes mouvements.

— Bon. Je prendrai avec Hélène le train de Belgique cette après-midi même. Quand seras-tu, à Bruxelles, toi ?

— Je partirai demain matin. Maintenant, ne quitte pas la fenêtre, surveille bien mes mouvements et tu verras que tu n’as rien à craindre.

Je descends. Du coin de l’escalier, je guette le moment où l’homme que Canonnier prend pour un mouchard aura le dos tourné. Voilà. Je sors, je remonte un bout de la rue, à gauche, je la traverse, et je me trouve nez à nez avec l’individu, qui vient de se retourner.

— Eh ! bien, lui dis-je en lui donnant un grand coup sur l’épaule, comment vous portez-vous, Issacar ?

— Comment ! c’est vous ! s’écrie Issacar absolu-