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LE VOLEUR

maine, et ils montent dans les véhicules qui s’ébranlent au bruit des acclamations populaires. Je les regarde partir. Dans un quart d’heure, ils rouleront vers Paris, en compagnie d’un homme qui les attend là-bas, dans un café près de la gare, et qui porte autour du ventre un drapeau tricolore.

J’entre dans le bureau de l’hôtel. Margot, assise à côté de l’hôtelière qui sanglote, cherche à la réconforter et partage sa douleur, car de grosses larmes coulent sur ses joues.

— Ma pauvre dame, dit-elle, comme je vous plains !… Mais je vous jure que je ferai tout ce que je pourrai pour vous. Courbassol m’accordera ce que je lui demanderai. Qu’est-ce que vous voulez ? Un bureau de tabac ? Un kiosque à journaux ? Enfin, dites… Je suis sa maîtresse, sa maîtresse en titre, je vous dis. C’est plus que sa femme, n’est-ce pas ? Ainsi…

L’hôtelier, dans un coin, s’arrache les cheveux, de la main gauche ; de la main droite, il tient le vieux portefeuille que Canonnier a découvert derrière la glace.

— Ah ! Monsieur, que nous avons du malheur ! me dit-il comme je lui demande une chambre. C’est affreux ! C’est épouvantable !… Et ces coquins de gendarmes qui sont restés toute la soirée à la porte de la Halle aux Plumes au lieu de patrouiller les rues ! Je vais demander leur cassation… Donnez le numéro 8 à Monsieur, ordonne-t-il à Annette qui vient d’arriver avec une bougie. Et préparez-vous à comparaître demain matin devant le juge d’instruction, petite scélérate ; s’il ne vous met pas pour six mois en prison préventive, vous et Jérôme, je lui ferai donner de mes nouvelles par M. Courbassol…

Annette, tout en larmes, me conduit à ma chambre ; ce n’est pas celle où est morte la vieille femme ; tant mieux ; quoique je pense l’habiter très peu, cette chambre. J’ai vu la clef du numéro 10, dont la porte fait face à la mienne, se balancer aux doigts de Margot…