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LE VOLEUR

la liberté que nos aïeux jetaient, enflammée et sublime, à la face de l’Europe !

Alors, c’est du délire. Des applaudissements frénétiques font trembler la Halle aux Plumes sur sa base. On veut porter Courbassol en triomphe. Et c’est entourés d’une foule hurlante que lui et ses amis arrivent au Sabot d’Or, où les propriétaires, par une marche forcée, les ont précédés d’une demi-minute.

— Vive la République ! Vive Courbassol ! hurle la foule tandis que nous pénétrons dans l’hôtel et que Margot profite de la confusion pour me serrer la main, en signe d’intelligence.

Mais, dans la maison, des cris désespérés s’élèvent :

— Au voleur ! Au voleur !… À moi ! Au secours !…

— Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ? demandent Courbassol, Machinard et plusieurs autres en se précipitant dans le bureau où l’hôtelier et sa femme font un affreux vacarme.

— Tenez, Messieurs, tenez ! Regardez la caisse ! Voyez le secrétaire ! Les voleurs sont venus… Ils nous ont tout pris, tout ! Ah ! les coquins !… Mon Dieu ! quel malheur !…

Courbassol, Machinard et plusieurs autres font pleuvoir les consolations, accueillies par les jurons de l’hôtelier et les sanglots de l’hôtelière. Cependant, il est onze heures moins vingt et les véhicules qui nous ont amenés ce matin arrivent devant la maison. Les voyageurs ont juste le temps de monter chercher leurs manteaux, et leurs parapluies, et leurs cannes. Margot ne les suit pas ; elle vient de déclarer à Courbassol que l’émotion lui a brisé les nerfs et qu’elle ne serait pas en état de supporter le voyage. Courbassol a affirmé qu’il comprenait ça ; les nerfs des femmes… Margot passera la nuit au Sabot d’Or et prendra le train demain matin.

Les voyageurs descendent. Quelques-uns règlent leurs notes, tous font leurs compliments de condoléance aux victimes gémissantes de la perversité hu-