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LE VOLEUR

Sa figure ? Ah ! je ne sais pas ! Je n’en vois rien ; on n’en peut rien voir. Il n’y a que sa bouche qui soit visible ; sa bouche, sa gueule, sa sale gueule. Et même pas sa bouche : sa lèvre inférieure seulement. Oui, on ne voit que ça, dans la face de Courbassol. On ne peut pas y voir autre chose que sa lèvre inférieure !

Cette lèvre est une infamie. Un bourrelet épais, violacé, qui fait saillie en bec de pichet ébréché ; une chose molle, humide, sur laquelle les paroles paraissent glisser comme un liquide visqueux et dont les contractions spasmodiques semblent sucer la salive ; qui fait songer, malgré soi, à un débris sexuel de Hottentote. Cette lèvre-là, c’est une gargouille : la gargouille parlementaire… Et des mensonges en tombent sans trêve, et des âneries, et des turpitudes…

Le saltimbanque attaque sa péroraison. Il la déclame, non pas en Robert-Macaire, ni même en Bertrand, mais en Courbassol. La voix est lourde, monotone, fausse, peureuse ; une voix de lâche : la voix parlementaire.

— Oui, citoyens, le jour va luire enfin où c’en sera fait des compromissions indignes ; où le grand parti républicain va reprendre conscience de lui-même et voguer de ses propres ailes. La France est lasse de se voir gouvernée par des hommes qui, sous de vains prétextes de sagesse et de prudence, s’efforcent de la retenir dans l’ornière de la routine en attendant qu’ils la plongent dans l’abîme de la réaction. Il ne leur a que trop été permis, déjà, d’accomplir leur œuvre néfaste ; leurs satellites, qu’ils ont pourvus de toutes les places en dépit des droits acquis et des services rendus par de plus dignes, ont submergé le pays sous leurs détestables doctrines. Mais cette inondation réactionnaire, citoyens, a mis le feu aux poudres ! Et demain, j’en ai la conviction profonde, la Chambre va montrer par son vote qu’elle n’entend pas être victime et qu’elle se refuse à être dupe. La France veut être libre, citoyens ! Berceau du progrès, son bras n’abdiquera jamais le droit de tenir haut et ferme cette torche de