Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/242

Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
LE VOLEUR

— Bonsoir, cher Monsieur. Comment vous portez-vous ? Dites-moi donc deux mots aimables. Il y a une grande demi-heure que j’attends patiemment, sous ce lit, le plaisir de faire votre connaissance…

Je me ramasse sur moi-même pour me jeter sur lui de toute ma force, car il faut que je lui passe sur le ventre, coûte que coûte, afin de m’échapper d’ici.

Mais il a vu mon mouvement, et étend la main.

— N’aie pas peur ! Je n’ai pas besoin de te demander ce que tu fais ici, n’est-ce pas ? Et quant à moi, bien que tu ne me connaisses pas, je vais te dire mon nom et tu verras que tu n’as rien à craindre. Je m’appelle Canonnier.

— Canonnier ! C’est vous, Canonnier ?… C’est vous ?…

— Oui, moi-même en personne. Ça t’étonne ?

— Un peu. J’ai souvent entendu parler de vous…

— Ah !… Comment t’appelles-tu ?

— Randal.

— Alors, moi aussi j’ai entendu parler de toi. J’avais même l’intention de te voir et de te proposer quelque chose. Par exemple, je ne m’attendais pas à te rencontrer à Malenvers. Le hasard est un grand maître. Ah ! j’ai bien ri, en moi-même, quand je t’ai vu entrer ici et te cacher derrière le rideau ; il n’y avait pas trois minutes que j’étais sous le lit. Il faut dire que j’ai fait une sale grimace quand on m’a apporté ce paquet-là sur le dos. On a beau être obligé de s’attendre à tout, dans notre métier…

— À propos de métier, dis-je, puisque nous devons faire le coup à nous deux, maintenant, il ne faut pas perdre de temps.

— Au contraire, dit Canonnier. Ne nous pressons pas. Attendons le commencement du feu d’artifice pour nous y mettre. C’est plus prudent. Nous serons sûrs de n’être pas dérangés. C’est pour huit heures ; nous avons encore dix minutes.

Il s’assied, très tranquillement, sur la chaise que vient de quitter Jérôme, et se met à hausser les épaules.