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LE VOLEUR

l’on y était, et je ne perdrai pas une chandelle romaine.

— J’ai bien envie d’aller avec toi, dit Jérôme ; les singes ne reviendront pas avant onze heures, et les autres domestiques non plus…

— Jamais de la vie ! s’écrie Annette. Je te connais ; tu me ferais voir les fusées à l’envers…

Mais Jérôme se lève et va la prendre par la taille.

— Veux-tu bien te tenir tranquille ! Devant un mort ! si c’est permis… Allons, viens tout de même, continue-t-elle en l’embrassant… Pourtant, si ce Monsieur qui a demandé une chambre revient ?

— Il sonnera, dit Jérôme, et nous l’entendrons bien.

Ils sortent tous deux, ferment la porte, et je les entends qui montent les escaliers quatre à quatre. Allons ! les choses tournent mieux que je ne l’avais espéré ; et, dans deux ou trois minutes…


— Eh ! bien, comment la trouves-tu, celle-là ?


Horreur ! C’est le cadavre qui a parlé !… j’en suis sûr… Oh ! j’en suis sûr !… La voix part de là-bas, du coin où la morte gît sur le lit, et il n’y a que moi de vivant dans cette chambre… Il me semble qu’elle vient de s’agiter sur sa couche, cette morte ; oui, on dirait qu’elle remue… J’écarte le rideau, pour mieux voir, car je me demande si je rêve.

Ha ! je ne rêve qu’à moitié… La phrase que j’ai cru entendre a bien été prononcée, je n’ai point été victime d’une illusion quand j’ai remarqué les mouvements imprimés au matelas sur lequel le cadavre est étendu. Je ne rêve même pas du tout — car j’aperçois, à ma grande stupéfaction, une tête d’homme sous le lit. — Une tête que je reconnais ; une tête basanée, aux cheveux noirs, aux moustaches cirées… la tête du mouchard…

Le mouchard ! Je vois ses épaules, à présent, et ses bras, et son torse ; et le voici sur ses pieds. Il s’avance lentement vers moi.