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LE VOLEUR

— La chambre de maman ! sanglote l’hôtelière.

— Ah ! je t’en prie, as-tu fini ? demande le mari. Puisque nous n’avons que cette chambre-là jusqu’à onze heures… Et puis, les affaires avant tout ; cent sous, ça fait cinq francs… Bien entendu, Annette, ajoute-t-il, vous laisserez la fenêtre grande ouverte. Si le voyageur se plaint de l’odeur des médicaments, vous lui direz que la chambre était occupée par une personne qui avait mal aux dents et qui se mettait des drogues sur les gencives… C’est tout. Faites bien attention, Jérôme et vous ; n’oubliez pas que vous avez la garde de la maison. Maintenant, mon habit, et partons.

Il sort, suivi par sa femme et la servante ; et Jérôme s’assied sur une chaise dépaillée, le plus loin possible du lit.

En voilà, une situation ! Que faire ?… J’entends l’hôtelier et sa femme qui s’en vont ; et je vois, par le trou du rideau, le garçon d’écurie, très pâle, qui commence à trembler de frayeur. Après tout, ce ne sera pas bien difficile, de sortir d’ici. Jérôme est assis juste devant moi ; je n’ai qu’à étendre les bras pour le pousser aux épaules et le jeter à terre sans qu’il puisse savoir d’où lui vient le coup ; et je serai dans la rue avant qu’il ait eu le temps de me voir, avant qu’il ait pu revenir de son épouvante… Attendons encore un peu.

J’entends un pas de femme dans le corridor. La porte s’ouvre ; c’est Annette.

— Eh ! bien, dit-elle à Jérôme en faisant un signe de croix, ce n’est pas gai, de rester ici en tête-à-tête avec un mort ?

— Ah ! non, pour sûr, répond le garçon d’écurie qui claque des dents. Pour sûr ! Tu devrais bien venir me tenir compagnie…

— Plus souvent ! Tu n’es pas gêné, vraiment ! Moi, je vais monter tout en haut de la maison, au quatrième, pour regarder le feu d’artifice ; de là, on peut voir ce qui se passe sur la grande place comme si