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LE VOLEUR

tort car, par un trou du rideau, je vois la porte s’ouvrir. L’hôtelier entre, portant avec un garçon d’écurie un grand paquet blanc qu’ils vont déposer sur le lit.

— Dieu ! que c’est lourd ! dit l’hôtelier en s’essuyant le front. On ne croirait jamais que ça pèse autant. Maintenant, Jérôme…

L’hôtelière, en grande toilette, apparaît à la porte, accompagnée d’une servante.

— Ah ! te voilà. Tu es prête, j’espère ? demande son mari.

— Oui, mon ami, répond la femme d’une voix mouillée de larmes.

— Bon. Moi aussi ; je n’ai qu’à passer mon habit. Allons, ne pleure pas. Ce serait joli, si l’on te voyait les yeux rouges, au banquet. Tu savais bien que ça devait arriver, n’est-ce pas ? Je t’avais même dit que ce serait fini avant sept heures. Nous ne la déclarerons que demain matin.

Ah ! bien, vrai !… Ce paquet blanc, c’est un cadavre…

— Ma pauvre maman ! gémit l’hôtelière en s’avançant vers le lit.

Mais son mari la retient.

— Voyons, pas de bêtises. Nous n’avons pas de temps à perdre. Elle est aussi bien là qu’autre part ; elle aimait beaucoup à coucher au rez-de-chaussée, autrefois… Vous, Jérôme, vous allez rester ici à veiller le corps ; voici une bougie ; vous l’allumerez dès qu’il fera sombre… C’est étonnant, dit-il à sa femme, que tu n’aies pas songé à te procurer de l’eau bénite d’avance. Enfin, on s’en passera pour cette nuit… Vous, Annette, continue-t-il en s’adressant à la servante, vous allez remonter dans la chambre, refaire le lit et remettre tout en ordre en deux coups de temps.

— Oui, Monsieur.

— Quand ce Monsieur qui a demandé une chambre reviendra, vous lui donnerez celle-là…