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LE VOLEUR

du peuple et de fonctionnaires, généralement, avec lesquelles j’ai bien ri, tout seul — sans jamais pouvoir parvenir à causer, après. — Ces dames ne sont point farouches ; il n’est pas fort difficile de leur passer la main sous le menton. Mais on aurait tort d’attribuer la fragilité de leurs mœurs à la légèreté de leur nature, à leur vénalité foncière, au désir de vengeance qu’excite en elles l’inconstance de leurs conjoints. C’est plutôt le poids de l’existence qui pèse sur elles qui les entraîne à des actes qui, à vrai dire, répugnent de moins en moins à la majorité des consciences féminines. C’est assez difficile à expliquer ; mais on dirait qu’elles sont lasses, physiquement, des infamies continuelles auxquelles elles doivent leur bien-être, et leurs maris leur fortune ; qu’elles ont besoin de se révolter, sexuellement, contre la servitude de l’ignominie morale que leur impose leur condition sociale. On dirait que leurs hanches se gonflent d’indignation sous les robes que leur offrirent des époux dont elles ont sondé l’âme ; que leurs seins crèvent de honte l’étoffe des corsages payés par l’argent des misérables ; que leurs flancs tressaillent de dégoût au contact des êtres qui les vendraient elles-mêmes, s’ils l’osaient, comme ils vendent tout le reste ; et qu’elles ont soif d’oublier, fût-ce pour une heure, dans les bras de gens qui n’appartiennent point à leur sinistre monde, les caresses de ces prostitués.

— Vous pourriez bien avoir raison, me dit Renée à qui j’expose un jour mes idées à ce sujet. Il est certain, par exemple, que Mme Courbassol qui, je crois, vous a laissé voir la couleur de son corset, pourrait se servir de vos explications pour donner la clef de ses défaillances… Mais croyez-vous que ce soit charitable, de venir me parler de choses pareilles ? Si vous alliez me faire rêver à quelqu’un… à quelqu’un de très opposé, par son caractère et ses actes, aux gens auxquels je sois liée…

Halte-là ! Renée est charmante ; c’est une bonne petite camarade, mais je crois qu’il serait dangereux,