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LE VOLEUR

tellement on les a oubliées. Car, vois les grands artistes de la Renaissance. Léonard de Vinci, par exemple… Ah ! la peinture ! Ma femme en est folle. Elle passe des après-midi entières dans les galeries, chez Durand-Ruel et ailleurs. Quand elle revient, elle est moulue, brisée, comme si elle avait éprouvé les plus grandes fatigues physiques. Les nerfs, tu comprends… Ah ! ces natures sensitives…

— La névrose est la maladie de l’époque. Mais j’espère que la santé de ta femme ne t’inquiète pas ?

— Pas du tout. Elle se porte à merveille. D’ailleurs, il faut que tu en juges, car je ne veux point te laisser vivre en ermite pendant les quelques semaines que tu consens à passer à Paris. Ma femme reçoit quelques amis tous les mercredis soir ; elle sera enchantée de faire ta connaissance. Viens donc après-demain.

J’ai bien envie de refuser, sous des prétextes quelconques ; j’aime mieux aller au Cirque qu’en soirée. Mais Mouratet insiste ; il revient même à la charge quand il me quitte.

— Alors, c’est entendu ; à après-demain ?

— Oui, à après-demain.


Je tiens parole. Et me voilà montant, vers les dix heures du soir, l’escalier d’une somptueuse maison du boulevard Malesherbes.

Je ne suis pas plutôt annoncé que Mouratet vient m’accueillir et me présente à sa femme. Je m’incline devant la maîtresse de la maison en prononçant la phrase de circonstance, et j’ai à peine eu le temps de relever le front qu’un éclat de rire me répond.

— Mon Dieu, Monsieur, que votre étude dans la « Revue Pénitentiaire » m’a donc amusée ! C’est bien vilain de ma part, car, le sujet était grave, mais vos idées sont tellement originales ! Je suis ravie de vous connaître, Monsieur, et mon mari ne pouvait me faire un plus grand plaisir que de vous engager à nous venir voir… Les amitiés de collège sont les meilleures… Je serai si heureuse de pouvoir discuter