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LE VOLEUR

Et adroite, avec ça… on dirait une fée… Elle sait tirer parti de tout ; elle ferait rendre vingt francs à une pièce de cent sous… On me le dit quelquefois : « Votre intérieur est ravissant, et Mme Mouratet est une des femmes les mieux habillées de Paris. » C’est vrai, mais je ne sais pas comment elle peut s’y prendre… Cela tient du prodige, absolument.

— Vois-tu, dis-je — car nous avons repris tout de suite le bon tutoiement du collège — vois-tu, les femmes ont des secrets à elles. Il y a des grâces d’état, et de sexe.

— Tout ce que je sais, répond Mouratet, c’est que le mariage m’a porté bonheur ; tout me réussit, depuis que j’ai convolé en justes noces. Certes, il y a trois ans, je n’aurais jamais espéré avoir à l’heure qu’il est la situation que j’occupe.

— Le fait est que tu es déjà, et que tu vas devenir sous peu encore davantage, un des piliers de la République.

— Ah ! dit Mouratet, on lui reproche bien des choses, à cette pauvre République ! Mais n’est-ce pas encore le meilleur régime ? N’est-ce pas le gouvernement par tous et pour tous ? On va même jusqu’à l’accuser d’austérité. Calomnie pure ! Il n’y a pas d’homme occupant une position dans le gouvernement qui ne fasse tous ses efforts pour grouper autour de lui l’élite intellectuelle de la nation. La République française est la République athénienne… Mais, à propos, ne m’a-t-on pas dit que tu vivais beaucoup à l’étranger ?

— On a eu raison. De grands travaux dont j’ai fourni les plans ou auxquels je m’intéresse… Je ne viens en France que de loin en loin.

— C’est cela. Ma foi, sans ton article dans cette Revue de Montareuil, je n’aurais pas su où aller te chercher. C’est très beau, ton idée d’allier la littérature à la science ; tu dis bien justement dans ton étude qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre elles. C’est une de ces pensées qui redeviennent neuves,