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LE VOLEUR

d’une façon si cordiale ! Lui conseiller de quitter cette maison qu’on lui a ouverte si généreusement comme on s’échapperait d’une geôle ! L’inviter à briser son propre avenir et aussi, sans doute, le cœur de sa mère adoptive !… Et pourquoi ? Pour la lancer dans une carrière d’aventures, pour lui préparer une existence faite de tous les hasards… Ah ! c’est indigne !… Je sais bien que, pour Canonnier, tous les sentiments ordinaires, sont nuls et non avenus ; mais, c’est égal, s’il était ici je lui dirais ce que je pense… Voyons ; tu as du bon sens, tu sais juger les choses ; que me conseilles-tu de faire ?

— Il faut faire, dis-je, ce que te demande Canonnier.

— Mais…

— Il faut le faire sans hésitation. J’ignore les motifs qui le font agir ; mais il a des raisons sérieuses, sois-en sûre. Du reste, Hélène prendra le parti qui lui conviendra ; rien ne la force à obéir à son père.

— C’est bon, dit Ida. Elle aura la lettre avant demain soir. Mais si cela tourne mal, je saurai à qui m’en prendre… Allons déjeuner ; je t’en veux à mort, car tu n’as pas de cœur, et si quelques douzaines d’huîtres ne nous séparent pas l’un de l’autre, je ne réponds pas de moi…


— Qu’est-ce que tu vas faire à présent ? me demande Ida après déjeuner.

— Un petit tour sur le boulevard ; et si tu n’as rien de mieux à faire…

— Si. J’attends quelqu’un tantôt. L’obstétrique avant tout. Je te souhaite beaucoup d’amusement. D’ailleurs, je vais te dire…

Elle va chercher des cartes, les bat et me les fait couper plusieurs fois.

— Eh ! bien, non, mon petit, tu ne t’amuseras pas beaucoup cette après-midi. Tu rencontreras un jeune homme triste et un homme de robe, et tu causeras d’affaires avec eux… ils te proposeront un travail d’écriture…