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LE VOLEUR

— Oui, dis-je en terminant, je souhaite le renversement d’un état social qui permet de pareilles horreurs, qui ne s’appuie que sur la prison et l’échafaud, et dans lequel sont possibles le vol et l’assassinat. Je sais qu’il y a des gens qui pensent comme moi, des révolutionnaires qui rêvent de balayer cet univers putréfié et de faire luire à l’horizon l’aube d’une ère nouvelle. Je veux me joindre à eux. Peut-être pourrai-je…

L’abbé m’interrompt.

— Écoutez-moi, dit-il. Autrefois, quand on était las et dégoûté du monde, on entrait au couvent ; et, lorsqu’on avait du bon sens, on y restait. Aujourd’hui, quand on est las et dégoûté du monde, on entre dans la révolution ; et, lorsqu’on est intelligent, on en sort. Faites ce que vous voudrez. Je n’empêcherai jamais personne d’agir à sa guise. Mais vous vous souviendrez sans doute de ce que je viens de vous dire.


Voilà trois semaines, déjà, que je fréquente les « milieux socialistes » — 30 centimes le bock — et je commence à me demander si l’abbé n’avait pas raison. Je n’avais point attaché grande importance à son avis, cependant ; j’avais laissé de côté toutes les idées préconçues ; j’avais écarté tous les préjugés qui dorment au fond du bourgeois le plus dévoyé, et j’étais prêt à recevoir la bonne nouvelle. Hélas ! cette bonne nouvelle n’est pas bonne, et elle n’est pas nouvelle non plus.

Je me suis initié aux mystères du socialisme, le seul, le vrai — le socialisme scientifique — et j’ai contemplé ses prophètes. J’ai vu ceux de 48 avec leurs barbes, ceux de 71 avec leurs cheveux, et tous les autres avec leur salive.

J’ai assisté à des réunions où ils ont démontré au bon peuple que la Société collectiviste existe en germe au sein de la Société capitaliste ; qu’il suffit donc de conquérir les pouvoirs publics pour que tout marche comme sur des roulettes ; et que le Quatrième