législatif rendu vacant par la mort d’un député. Mon programme est des plus simples. Je me présente aux suffrages des électeurs comme socialiste-conservateur.
— Oh ! oh ! fait le Monsieur triste.
— Ni plus ni moins, continue le Monsieur jovial. Je suis socialiste en ce sens que j’ai tout un système de théories à mettre en application, et je suis conservateur en ce sens que je m’oppose à toute transformation brutale des institutions actuelles. Voyez-vous où je veux en venir ?
— Pas très bien, avoue le Monsieur triste.
— C’est que je n’ai point l’honneur d’être connu de vous. Je suis philanthrope, Monsieur. Un philanthrope, n’est-ce pas ? c’est celui qui aime les hommes. Moi, j’aime les hommes ; je les adore. Je n’ai aucun mérite à cela, je le sais, et je ne souffrirais pas qu’on m’en loue. Cet amour de l’humanité est naturel chez moi ; sans lui, je ne pourrais pas vivre. J’aime tous les hommes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Tenez, cet étranger qui dort dans son coin, continue-t-il plus bas, cet Américain dont le pays fait preuve d’une si noire ingratitude envers nous ; car enfin, sans Lafayette… Eh ! bien, vous me croirez si vous voulez, je l’aime ! Ne trouvez-vous pas cela merveilleux ?
— Si, certainement, répond le Monsieur triste d’une voix lugubre, tandis que je songe à cette philanthropie qui, en passant ses béquilles sous les bras des malheureux, les rend incurablement infirmes.
— Croyez-moi, Monsieur, la philanthropie doit devenir la pierre angulaire de notre civilisation. Certes, le progrès est grand et incessant ; il faudrait être aveugle pour le nier. Le peuple devient de plus en plus raisonnable. Vous savez avec quelle admirable facilité il a accepté la substitution de la machine au travail manuel, sans demander à retirer aucun bénéfice de ce changement dans les conditions de la production. Il y avait, dans cette complaisance de sa