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LE VOLEUR

pas ; mais chez moi, elles le sont suffisamment. Elles ont tout ce qu’elles désirent ; et la femme est toujours belle quand elle est heureuse… Et puis, Issacar avait raison ; on n’a pas à s’occuper des toilettes.

N’ai-je jamais éprouvé le dégoût de cette existence ? la lassitude de cette vie ? N’ai-je jamais eu d’aspirations plus élevées ? Si, quelquefois…

Ce soir, même, je pense fort tristement à ce que des hommes d’une moralité plus haute que la mienne pourraient appeler leur avenir, quand Annie vient m’apporter un télégramme. « Tenez-vous prêt pour demain. » Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cette dépêche vient de l’étranger ; elle vient de France… Et je me rappelle, tout d’un coup, un fait survenu il y a un mois environ, que j’avais totalement oublié et dont j’aurais dû me souvenir, pourtant.

Un soir, j’étais seul chez moi après le départ d’une petite amie très gentille, mais dont l’accent badois commençait à me fatiguer, une de ces blondes fades qui ont toujours l’air d’être en train de sécher. Je lisais un roman, l’un de ces bons romans anglais, tellement assommants, mais où le sentiment de la famille, éteint partout ailleurs, se conserve d’une façon si curieuse ; lorsque j’entendis résonner le marteau de la porte d’entrée. Un instant après, la voix d’Annie protestant contre l’invasion de mon domicile parvint jusqu’à moi et un pas lourd fit craquer les marches de l’escalier. Je me levais du divan sur lequel j’étais étendu lorsque la porte du salon s’ouvrit à moitié ; et, par l’entrebâillement, je vis passer une tête bronzée et une main qui faisait des gestes.

Quelle était cette main ? Quelle était cette tête ?