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LE VOLEUR

d’abord, pour envoyer au fils prisonnier, là-bas, tout ce que permettent les règlements ; puis, afin de mettre de côté pour lui, quand il sortira de Centrale, le plus d’argent possible. Elle découpe, sur des photographies, portraits de grandes dames, de beautés professionnelles, les têtes admirées du public, et les accommode adroitement à des corps de Lédas s’abandonnant au cygne, de Dianes au bain, de Danaés sous la pluie d’or. Elle est devenue fort habile à ces petits ouvrages, très demandés par certaines maisons de Saint-John’s Wood. Elle m’a montré l’autre jour une princesse du sang, un peu plate d’ordinaire, très excitante, vraiment, en Vénus Callipyge.

Si Annie a des loisirs, je n’en manque pas, moi non plus. Bien des gens se figurent que les voleurs sont toujours occupés à voler. Il n’y a pas d’erreur plus grossière ; mais c’est toujours la vieille histoire. « Il faut que je vous dise, écrit Bussy-Rabutin à sa cousine, ce que M. de Turenne m’a conté avoir ouï dire au feu prince d’Orange : que les jeunes filles croyaient que les hommes étaient toujours en état ; et que les moines croyaient que les gens de guerre avaient toujours, à l’armée, l’épée à la main. » — « Le conte du prince d’Orange m’a réjouie, répond la marquise. Je crois, ma foi, qu’il disait vrai, et que la plupart des filles se flattent. Pour les moines, je ne pensais pas tout à fait comme eux ; mais il ne s’en fallait guère. Vous m’avez fait plaisir de me désabuser. » J’espère, moi aussi, faire plaisir aux honnêtes gens en leur apprenant que les voleurs n’ont pas sans cesse à la main la fausse clef ou la lanterne sourde.

Et à quoi s’occupent-ils donc ? À différentes choses, quelquefois fort inattendues. Moi, par exemple, je m’instruis. Je m’instruis, de la même façon que le premier bourgeois venu, en oubliant des choses que je sais et en apprenant des choses que j’ignore. On peut continuer comme ça longtemps. Je m’amuse, aussi, autant que je peux. Très souvent, des demoiselles viennent me voir. Jolies ? Ailleurs, je ne sais