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LE VOLEUR

avec cette ténacité courageuse particulière aux gens vertueux, se mit à épier les démarches de la malheureuse à la recherche d’une situation, et l’empêcha d’en obtenir une. Elle avait donc été obligée de vivre comme elle avait pu — misérablement, à tous les points de vue.

— Et votre fils, demandai-je, vous n’en avez plus eu de nouvelles ?

— Si, répondit-elle en baissant la tête ; ce malheureux garçon a continué à se mal conduire en France, où il était parti. Il a été condamné, il y a dix-huit mois, à plusieurs années de prison… Ah ! Monsieur, je suis si malheureuse de ne pouvoir rien lui envoyer !… Je voudrais être morte…

— Tenez, dis-je, voici encore un peu d’argent. Soyez ici après-demain, à dix heures, et peut-être trouverai-je moyen de vous donner une occupation, bien que vous n’ayez pas de certificat. Ne vous désolez pas, ma brave femme. Et si votre clergyman vient me mettre en garde contre votre manque de respectabilité, comme il en a l’habitude, je lui offrirai un lavement de vitriol, pour le mettre à son aise.


C’est donc Annie qui a la charge de la maison que mon aventure avec elle m’a donné l’idée de louer. Elle ne boit pas plus qu’un dixième d’Anglaise ; elle fait de la pâtisserie comme une Allemande ; elle est économe comme une Française ; et dévouée comme un terre-neuve. Je l’ai stylée admirablement et je ne crains nullement qu’elle commette une maladresse. Elle s’est pas mal requinquée, depuis qu’elle est à mon service ; ah ! dame, les rides et les stigmates que la souffrance a gravés dans la chair sont indélébiles ; mais la charpente s’est redressée, l’ossature a repris de l’aplomb. Telle qu’elle est, débarrassée de la viande, elle ferait un beau squelette.

Mon service n’est pas bien dur, car je suis souvent absent et je vis en garçon — pas en vieux garçon. — Annie a donc du temps de reste. Elle l’emploie ;