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LE VOLEUR

— Alors, toujours 33 ? Toujours ? Oui ?… Et on dit, dans les romans, que les voleurs sont généreux !… Mais, soit ; commençons sur ce pied-là ; nous verrons après. Nous serons bons amis, j’en suis sûre. Nous ferons passer toutes nos communications par Ida, n’est-ce pas ? J’ai toute confiance en vous et je suis convaincue que vous ne me compromettrez jamais. D’ailleurs, Ida m’en a assurée. C’est tellement affreux, voyez-vous, d’être compromise ! Je risquerais tout pour éviter ça… Il y a un coup à faire à Paris, actuellement, et deux villas à dévaliser aux environs, vers la fin du mois ; je reviendrai après-demain pour vous donner les indications. Ah ! l’argent ; l’argent ! Il me faut cinquante mille francs avant trois mois… Il me les faut absolument… Penser que je paye mes dettes avec l’argent des autres !

— C’est la vie. Et penser que les autres en font sans doute autant de leur côté…

— C’est la vie. Mais vous allez me prendre pour une abominable égoïste ; ce que je dis est horrible…

— C’est très humain. L’exploitation est universelle et réciproque ; et croyez-bien, chère Madame, que si je pouvais vous offrir décemment moins de 33 pour cent…

— C’est très inhumain !

Elle me tend la main, et sort avec un petit salut charmant, un grand frou-frou, laissant comme un sillage de grâce derrière elle — très jolie, très crâne. Ah ! les femmes ! Les hardies, les fières voleuses ! Voleuses de tout ce qu’on veut, et de tout ce qu’on ne voudrait pas. Elles en ont un fameux mépris des règles, et des morales, et des lois, et des conventions, quand leur chair les brûle, quand l’amour de leur beauté les tenaille, quand leurs passions sont en jeu…

— Eh ! bien, me demande Ida qui est venue me rejoindre, qu’en penses-tu, de la petite femme ? Gentille, hein ? Mais quelle inconscience !… Ah ! mon cher, elle n’est pas la seule. Et le luxe de leurs toilettes, qui leur fait perdre la tête, la tourne aussi à