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LE VOLEUR

viens des avertissements que m’a donnés Ida. Non, Madame, ce n’est pas le prix. Le prix est 33 pour cent. Aucun voleur sérieux ne vous proposera davantage. Je m’étonne même que Canonnier ait pu vous offrir ce que vous dites, car je sais qu’il se faisait un point d’honneur de ne jamais dépasser le chiffre que je vous cite. Vos souvenirs, sans doute, doivent mal vous servir.

— C’est bien possible, murmure-t-elle avec une petite grimace. C’est déjà si lointain et j’ai si peu de tête ! je croyais bien, pourtant… Vous dites 33. C’est si peu !… Moi, je disais 50. Eh ! bien, coupons la poire en deux, ou à peu près. Donnez-moi 45 pour cent.

— Je regrette infiniment de ne pouvoir le faire. Madame. Mais je ne puis vous donner ni 40, ni même 35 pour cent. Le tiers du produit, mais pas plus.

— Hélas ! dit Renée, vous êtes impitoyable. Si vous saviez combien j’ai besoin d’argent ! La vie est si chère ! La toilette nous ruine, et les hommes sont tellement difficiles… Ils ne se rendent pas compte… Je serais honteuse de vous dire ce que mon mari me donne tous les mois ; c’est misérable… Et les autres !… Et ils veulent avoir des femmes soignées, bien habillées, avec des dessous savants, fleurs et bonbons… Je me suis à peine vêtue pour venir ici, Monsieur ; un costume de trottin, qui ne vaut pas vingt-cinq louis ; mais les dessous, c’est obligatoire. Et, tenez…

À deux mains, d’un geste habile et charmant, elle a relevé sa jupe ; et des vagues de soie, frangées d’une mousse de dentelles, viennent déferler sur ses jambes fines. Ah ! la délicieuse poupée !…

Attention ! Pas de bêtises – ou les 33 pour cent vont augmenter.

— Vous avez vu ? Élégant, n’est-ce pas ? Mais si je vous disais ce que ça coûte…

Elle s’est levée, tapote sa robe à petits coups, baissant ses yeux noirs que, brusquement, elle darde audacieusement dans les miens.