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LE VOLEUR

cieux mensonges, cette marionnette dont un costume du matin très simple, trop simple, d’une fausse simplicité, moule les formes, et qui s’est fait coiffer par Virot d’une capote minuscule, naïve comme une fleur et ouvragée comme un bijou.

— Oui, Monsieur, oui, j’ai pensé à cela ; à aller voler dans les magasins ! Croiriez-vous des choses pareilles ?

— Sans difficulté ; la kleptomanie est à la mode. Vous auriez été, Madame, en fort bonne compagnie à côté de ces grandes dames, voleuses titrées, dont les noms figurent journellement sur les rapports de police. Mais je pense que vous auriez eu du mal à réaliser, par ce procédé, la grosse somme dont vous aviez besoin pour…

— Ah ! dit-elle en faisant la moue, je crois que vous vous moquez de moi. Ce n’est pas gentil. Vous voyez, je vous dis tout, comme à un confesseur… Mais vous ne comprenez pas dans quel état d’affolement nous nous trouvons quand le manque d’argent nous harcèle.

— Je vous demande pardon, Madame. J’admets très bien qu’une femme, même mariée, puisse se trouver dans des passes…

— À en faire ? Oh ! certainement. Mais, voyez-vous, ça ne vaut pas le mal qu’on se donne. Il y a de bonnes occasions quelquefois, je ne dis pas ; mais elles sont rares. Quant aux liaisons sérieuses, il n’y faut plus compter ; les hommes sont devenus tellement inconstants ! Autrefois, il y avait des attachements vrais, profonds, qui duraient toute une existence ; une femme mariée pouvait vivre, à cette époque-là. Mais aujourd’hui…

— Aujourd’hui, la morale est en actions ; l’amour aussi. Il faut s’y faire…

— On s’y fait trop. Et la concurrence est énorme. On n’a même plus le mérite de l’audace, ou de l’originalité, à ne pas reculer devant ces outrages qu’on dit les derniers, pour faire croire que ça s’arrête là. Et