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LE VOLEUR

l’Acropole ; tout le monde le dit. C’est dommage que les Anglais aient tout abîmé. Quels sauvages, ces Anglais ! J’en ai connu un, l’année dernière, qui m’a griffée tout le milieu du dos… Est-ce que vous aimez la peinture de Bouguereau ?

— Madame, dis-je en réprimant une grimace, je l’aime énormément.

— Moi, j’en raffole. Bouguereau, c’est le peintre de l’âme ; voilà mon avis. Lui seul peut nous consoler de la mort de Cabanel. Je suis bien contente que nous ayons les mêmes goûts… Bref, quand ma tante, la sœur de ma mère, m’eut avoué dans quelle situation elle se trouvait, la pauvre femme ; quand elle m’eut dit : « Renée, il faut me tirer de là », je n’hésitai point à lui déclarer que j’allais tenter l’impossible. Mais, que faire ? Demander de l’argent à mon mari, il n’y fallait pas songer ; d’abord, il s’agissait d’une grosse somme ; puis, il n’est pas en très bons termes avec ma famille. Je crois devoir vous dire, Monsieur, quelles idées me vinrent successivement…

Elle parle, elle parle ! Une voix mal soutenue, fébrile, qui passe sans transition du ton aigu aux inflexions doucereuses, incisive et insinuante, impatiente et cajoleuse, où l’émotion sursaute tandis que grince l’indifférence agacée, et où semble implorer une angoisse qui se raillerait elle-même. Quelque chose qui sautille sans cesse sur les yeux et sur les lèvres ; un rire trop fréquent et trop sec, qui ponctue la parole rapide. Des gestes hâtivement ébauchés, heurtés, gracieux quand même, qui disent toute la nervosité et toute la lassitude ennuyée des filles de ce monde artificiel, machiné, truqué, où l’argent est tout, où la vie n’est qu’une mascarade opulente et stupide. Cette femme, une jolie petite brune aux traits fins et aux beaux grands yeux, n’est qu’un pantin articulé par l’énervement que cause l’éternel besoin d’argent, mis en mouvement par le perpétuel désir de la toilette, et agité par l’incessante inquiétude. Et je l’écoute me raconter ses inutiles et auda-