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LE VOLEUR

fille qui a eu de la chance ! Adoptée par cette famille de magistrats… Je l’ai vue au Bois et au théâtre, plusieurs fois, à côté de sa mère adoptive. Mon cher, on dirait une princesse.

— C’est tout naturel, dit Roger ; son père est le roi des voleurs… Ma foi, ma petite Ida, j’en suis désolé, mais je ne peux pas aller à Paris. J’ai promis à un camarade de lui donner un coup de main pour une affaire, en Suisse, et ça va venir ces jours-ci. Tout à fait désolé… Mais, tiens ! pourquoi n’irais-tu pas, toi, Randal ?

— Oui, pourquoi ? demande Ida en se tournant vers moi.

Je n’ai pas de raison à donner, et il est décidé que j’irai. Je manque d’expérience ? Ça ne fait rien. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Je viendrai chercher Ida demain soir et nous prendrons le train ensemble pour la Ville-Lumière. Nous nous levons, Roger et moi.

— Comment ! s’écrie Ida ; vous partez déjà ? Et il n’est que deux heures du matin ! Pour qui va-t-on nous prendre ?

Mais ses objurgations n’ont aucun succès ; et nous nous retirons après lui avoir souhaité une bonne nuit, ainsi qu’à Broussaille, dont le lit fut emporté par l’inexorable Juif et à qui elle a offert l’hospitalité.


S’il avait pensé, cet Hébreu malfaisant, qu’il mettait définitivement sur la paille la sœur de Roger-la-Honte, il pourra bientôt s’apercevoir de son erreur. Broussaille et Ida sont venues nous voir aujourd’hui, vers une heure ; nos souhaits n’avaient point été vains et elles avaient parfaitement dormi. Nous avons déjeuné ensemble ; après quoi, nous avons couru les magasins, pendant toute l’après-midi, afin de procurer à la jolie blonde le mobilier indispensable. Ça demande beaucoup plus de temps qu’on ne croirait, ces choses-là. Nous avions employé la matinée, Roger et moi, à déposer la plus grande partie de notre argent