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LE VOLEUR

toyable et sanglante qui incite les êtres à tuer leurs petits. C’est la science, la science des économistes et des vivisecteurs, des imbéciles et des assassins, qui est en train de dépeupler la France.

 On cherche des remèdes, dit Roger ; on parle d’un impôt sur les célibataires.

— Pourquoi pas, dis-je, une loi décrétant que l’âge de la nubilité est abaissé de deux ans ? Ce serait moins ridicule.

— Ah ! oui, dit Ida, quel troupeau d’ânes, ces législateurs qui ne savent même plus nous montrer comment on meurt pour vingt-cinq francs ! Dire qu’ils ne se rendent même pas compte que le seul moyen d’arrêter ce mouvement de dépopulation, c’est de donner à la femme la liberté pleine et entière depuis l’âge de seize ans, comme ici, et d’autoriser la recherche de la paternité.

— Lorsque la femme sera libre en France, dit Roger, la France cessera d’être la France — la France qu’elle est. — Les législateurs qui nous font voir comment on vit pour vingt-cinq francs n’en doutent point, sois-en certaine. Conclusion…

— Conclusion : il faut continuer. Eh bien, on continuera ; jusqu’à ce que ça finisse. Ce qui est consolant, c’est qu’à mesure que le nombre des naissances diminue, celui des médecins augmente. Ils sont tant, qu’ils ne savent plus où donner du scalpel. On m’a assuré qu’ils encombrent les ports de la Manche. On les embarque sur les navires qui vont à Terre-Neuve, à condition qu’ils aideront à saler et à découper le poisson.

— Au moins, là, leurs bistouris servent à quelque chose.

— À empoisonner la morue. Je fais gras le Vendredi Saint, depuis que j’ai appris ça.

— Rien que ça de luxe ! dit Broussaille. Madame ne se refuse plus rien. On voit bien que les affaires marchent. Eh ! bien, moi, je pense que les riches qui tuent leurs gosses mériteraient qu’on leur coupât