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LE VOLEUR

États ; le reste ne représente rien à leurs yeux ; ils n’ont pas confiance ; et le genre d’affaires que je traite ne peut être basé que sur la confiance. Voilà pourquoi je me tue à vous dire de faire, autant que possible, vos coups en France. Voilà un bon pays ! Vous n’y trouvez pas, ou presque pas, de valeurs industrielles aux mains des particuliers ; l’instabilité des institutions politiques leur interdit ce genre d’achats. Ils ne possèdent guère que de la Rente ou des Chemins de fer. Excellent pays pour les voleurs ! La peur y a discipliné les capitaux.

— Oui, dit Roger-la-Honte. Mais quand on vous apporte du Crédit foncier ou des emprunts de Villes, vous n’en voulez pas.

— Naturellement ! Ce n’est pas garanti, au moins officiellement, par l’État ; par conséquent, ça ne vaut rien pour mes clients. Ils changeront peut-être d’avis un jour, mais pas avant longtemps, je crois ; c’est aussi l’opinion du ministre de Perse, et le premier secrétaire de l’ambassade Ottomane en tombait d’accord avec moi, pas plus tard qu’hier soir.

— Je vois, dis-je, que vous placez votre papier en Orient.

— Pour la plus grande partie, répond Paternoster, et même en Extrême-Orient ; le Japon y a pris goût depuis quelques années et la Chine donne de belles espérances. Voyez, Monsieur, comme le Progrès choisit, pour sa marche en avant, les voies les plus inattendues ! L’Asiatique qui se rend acquéreur d’un de ces titres qui rapportent à peine 3 pour cent à l’Européen, touche, lui, 10 ou 12 pour cent, étant donné le prix auquel il achète. Il découvre instantanément toute la grandeur de la civilisation occidentale et les rapports des Blancs et des Jaunes deviennent tous les jours plus fraternels. Ce n’est pas tout. L’Asiatique, enrichi grâce à vous, comprend qu’il n’a aucun intérêt à rêver la ruine des puissances européennes ; et, au lieu de se préparer à nous faire courir ce fameux Péril jaune si joliment portraituré par l’Empereur d’Alle-