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LE VOLEUR

ça l’opération césarienne… Je n’en aurai pas pour longtemps et je peux faire ça tout seul. Tu ne sais pas, pose la lanterne là, sur cette petite table, et descends au premier étage, devant la porte de la chambre à coucher de l’industriel ; si tu entends qu’il se réveille, tu siffleras…

Je descends et je me poste sur le palier du premier étage. L’industriel ne se réveille pas ; il n’en a pas même envie. Il dort à poings fermés, il ronfle comme une toupie d’Allemagne. Ah ! le gredin ! Je me le figure, endormi au coin de sa femme, et rêvant que je lui apporte trois cent mille francs avec mon plus gracieux sourire.

Tout d’un coup, j’entends le grincement, très doux mais incessant, de la scie de Roger : il a déjà pu percer le coffre-fort à l’aide d’une vrille et il commence à couper le métal ; on dirait le grignotement d’une souris, au loin. Mais le bruit de la scie est couvert, bientôt, par celui des ronflements de l’industriel ; on dirait qu’il tient, non seulement à ne pas entendre, mais à empêcher les autres d’entendre. Ah ! il peut se vanter d’avoir l’oreille fine et de dormir en gendarme !… Je prends le parti de remonter auprès de Roger.

— Te voilà ? demande-t-il, le visage couvert de sueur ; donne-toi donc la peine d’entrer. Veux-tu accepter la moindre des choses ? Je n’ai qu’à tirer la sonnette…

— Non, j’aime mieux t’aider.

— Si tu veux ; il y a encore un côté à couper.


Dix minutes après, c’est chose faite, et nous avons étalé sur le bureau le contenu du coffre-fort. Des tas de papiers d’affaires que nous repoussons avec le plus grand dédain, avec ce mépris qu’avaient pour les transactions commerciales les philosophes de l’antiquité ; des valeurs, actions et obligations, dont nous faisons un gros paquet ; une jolie pile de billets de banque et quelques rouleaux de louis, que nous mettons dans nos poches.